EMMANUEL

Prénom(s)

Charles

Sympathisant saint-simonien de Paris autour de 1830. Profession inconnue (journaliste ? rentier?). Astronome amateur. Opinions républicaines, enclines au socialisme leroussien.

Né à Paris en 1810.

 

 

Selon le Grand Dictionnaire universel du xixe siècle de Larousse qui lui consacre une longue notice en tant qu’« astronome français » mais ne dit mot ni de ses moyens d'existence ni de ses fréquentations politiques de jeunesse, Charles Emmanuel serait issu d’une famille de commerçants et aurait « fait de bonnes études » à Paris, en partie au collège Charlemagne, en partie au collège Bourbon (actuel lycée Condorcet), avant de « s’adonn[er] avec ardeur à la littérature, à l’étude du droit, de l’histoire et des sciences ».

Charles Emmanuel n’a, semble-t-il, jamais appartenu à la « hiérarchie » saint-simonienne. Mais en 1831, en guise de profession de foi, il adresse à Enfantin un petit mémoire manuscrit sur la « loi de l’individu », marqué par la lecture de Fourier et qui dut avoir suffisamment retenu l'attention du « Père » pour mériter d'être conservé dans ses archives. Contre le « socialisme pur » promu par la doctrine, il y revendique une plus grande prise en compte de la personnalité et souhaite qu’un équilibre soit trouvé à l’intérieur de cette antinomie.

La prise de position individualiste d’Emmanuel est l’une des premières qui s’expriment au sein du mouvement. Elle précède de plusieurs années les fameuses critiques avancées a posteriori par Pierre Leroux dans ses articles de la Revue indépendante contre Enfantin sur le même thème.

La signature de Charles Emmanuel apparaît ensuite dans la Revue encyclopédique de Pierre Leroux ainsi que dans l’Encyclopédie nouvelle qu’il codirige avec Jean Reynaud, et dans Le Magasin pittoresque d’Édouard Charton.

Chargé de la rédaction du Moniteur ottoman, ou plutôt du Journal français de Constantinople[1], en remplacement du titulaire de la fonction, un certain Pologne, alors en congé en France, il écrit alors d’Alexandrie à Lambert en se présentant comme un « ancien de la rue Monsigny, Emmanuel, connu personnellement de vous »[2]. Sa présence est ensuite signalée à Istanbul en 1836 auprès de Massol, ainsi que de Clorinde et Dominique Tajan-Rogé, de retour d’Égypte et sur le point de se rendre en Russie[3].

La Seconde République le voit réapparaître à Paris. Selon ses propres dires, il fait ses débuts d’orateur en 1848, au club de la Sorbonne.

Peut-être inspiré par les écrits scientifiques de Saint-Simon, Charles Emmanuel  s’engage à la même époque sur le terrain de l’astronomie. Il conteste le calcul généralement admis de la durée de la rotation terrestre, assure que celle-ci s’effectue d’est en ouest, contrairement à l’opinion reçue, et soutient que le mouvement des planètes n’est pas dû à une impulsion initiale primitive (le « coup de pied newtonien »), mais à une action motrice du soleil.

Mais ce sont bien sûr ses opinions politiques qui lui valent un séjour en prison après le coup d’État bonapartiste.

Sa polémique avec l’Académie, engagée depuis les rapports très négatifs établis sur ses thèses par Liouville et Babinet dès 1850, dure jusqu’en 1865 au moins, avec l’appui de plusieurs journalistes (Victor Meunier, Clément Caraguel, Louis Jourdan, Taxile Delord, etc.) et de quelques journaux (dont La Presse et Le Siècle). C’est ainsi que, sceptique mais bon camarade, Louis Jourdan, en 1851, fait une note dans la La Politique nouvelle pour réclamer que les astronomes examinent à nouveau sérieusement l’essai que Charles Emmanuel, « naguère un littérateur distingué », vient de faire paraître sous le titre Astronomie nouvelle, ou Erreurs des astronomes[4]. Arago en personne, au vu des « énormités » qu’il y repère au premier coup d’œil, refuse d’en faire rapport pour l’Académie[5].  

S’intitulant « président de la société pour l’avancement de l’astronomie », il est en 1866 chargé par la « Société Polytechnique » ou plutôt l'« Association polytechnique », de faire des cours d’astronomie populaire aux ouvriers du XIe arrondissement (dans l’ancien découpage) de Paris.

Si l’on en juge toutefois à l'aune du fait que d'autres dictionnaires biographiques contemporains s'accordent, comme le Larousse, à lui faire une place, plus réduite il est vrai, force est d'estimer que ses « hérésies » astronomiques (Arago encore) lui valent en fin de compte une certaine notoriété dans le domaine de la vulgarisation scientifique, si l’on peut dire en l’espèce.

En 1872, après les bouleversements induits par la victoire prussienne et l’écroulement du Second Empire, Charles Emmanuel en profite, dans une brochure en forme de lettre ouverte à Thiers, pour dire son mot sur les réformes à opérer. Quitte à encourir la périlleuse accusation de « vouloir relever le drapeau du Socialisme », il y répète dans la droite ligne de ses convictions de 1831 que la solution est à chercher dans une « science sociologique qui respecte également les droits inaliénables de l’individu et de la société »[6].

Ph. R.

 

SOURCES

Notice Maitron par Philippe Régnier, mise en ligne le 20 février 2009, au lien https://maitron.fr/spip.php?article30635. – Bibliothèque de l’Arsenal, fonds Enfantin, ms 7794, pièces 43, 44 et 46. – Évariste Thévenin, Association polytechnique. Entretiens populaires, Hachette, 1867, p. 12. – Annonce ou recension de la brochure de Charles Emmanuel ABCD astronomique, dans Almanach de la littérature, du théâtre et des beaux-arts, Paris, Pagnerre, 1866, p. 94.

 

 

[1] La seconde version du fait se trouve dans la liste de 1842 des collaborateurs du Magasin pittoresque, consultable dans l’annexe 6 du livre de Marie-Laure Aurenche, Édouard Charton et l’invention du Magasin pittoresque (1833-1870), Paris, Champion, 2002, p. 468.

[2] Bibliothèque de l’Arsenal, fonds Enfantin, ms 7730/48.

[3] Ralph P. Locke, Les saint-simoniens et la musique, Bruxelles, Mardaga, p. 329.

[4] Périodique cité, livraison du 2 novembre 1851, p. 538. Outre Louis Jourdan, la revue compte parmi ses rédacteurs deux autres anciens saint-simoniens, Adolphe Guéroult et Léopold Amail, ainsi que Frédéric Lacroix, l’ami « arabophile » d’Ismaÿl Urbain.

[5] Comptes rendus des séances hebdomadaires de l’Académie des sciences, séance du 21 février 1853, p. 344.

[6] Lettre à M. Thiers sur la suppression de l’impôt, Paris, A. Le Chevalier, nov. 1872, en part. p. 44-46.