EDHEM bey, ou ADHAM pacha, ou ETEM bey

Prénom(s)

Ibrahim

Haut personnage de l'État égyptien sous le règne de Muhammad Ali. Officier d'artillerie, possédant des compétences d'ingénieur et exerçant sous l'autorité directe du vice-roi des fonctions centrales d'importance stratégique et de niveau ministériel. Se déclare saint-simonien à partir de 1835. Proche de Lambert et d'Enfantin. Membre du Grand-Orient de France à Istanbul.

Né à Istanbul, mort en Turquie en 1875.

La transcription du patronyme est variable dans les correspondances saint-simoniennes d'Égypte, où le personnage est souvent désigné comme « le général ».

Dès avant l'arrivée des saint-simoniens sur les bords du Nil, Adham bey, issu du système d'instruction ottoman, a la haute main sur les fabriques d'armes et de canons installées dans la Citadelle du Caire. Il paraît également avoir été un des premiers maîtres de l'école d'officiers et d'ingénieurs créée sur le même site.

Homme de confiance de Muhammad Ali, qui l'a mis à la tête de l'intendance et de l'approvisionnement de tous les services de l'État (armée, écoles, travaux publics, manufactures), Adham devient très vite l'un des principaux interlocuteurs administratifs et techniques des saint-simoniens dans leurs entreprises égyptiennes les plus ambitieuses, qu'il s'agisse de la construction du barrage sur le Nil ou de la fondation de l'École polytechnique de Boulaq.

Cette coopération étroite ne va pas sans entraîner Adham à sympathiser en privé avec les idées des saint-simoniens relativement à l’organisation de l’industrie, au sort des ouvriers, et même à la théologie. Lambert le dépeint en 1837-1838, soit à l’époque où Adham ajoute l’Instruction publique à son vaste domaine de responsabilités, comme un véritable prosélyte et un intellectuel s'adonnant à transposer la doctrine de ses amis dans la culture musulmane.

Adham est par ailleurs un des soutiens du Bureau de traduction de Rifâ’a al-Tahtawi, un autre passeur du saint-simonisme dans le pays et la grande figure pionnière du mouvement de renaissance intellectuelle musulmane en Égypte, la Nahda.

En 1837, au cours d'une mission qu'il accomplit en Angleterre pour le vice-roi, Adham fait part à Lambert, dans les lettres qu'il lui écrit, de ses observations critiques devant la société anglaise, trop loin selon lui de l'idéal d'une économie « qui, tout en donnant au propriétaire un grand bénéfice, laisse aussi une récompense raisonnable à l'industriel qui aide à la production par son travail ». Lui que l'historien Ali Mubârak décrit comme ayant été proche de ses ouvriers de la Citadelle, déplore que les ouvriers entr'aperçus au cours de son voyage fassent office d' « esclaves » des machines et préférerait une « civilisation orientale » à ce modèle britannique qui fait école dans le monde entier.

Mais l’avènement d’Abbas pacha, en 1848, le prive lui-même de la relation privilégiée qu'il entretenait avec Muhammad Ali. Son équipe est démantelée, Rifâ'a éloigné, les écoles qu'il avait fondées mises en veilleuse, et lui-même cantonné à la direction de l'Armement ainsi qu'à la gestion des waqfs des deux villes saintes, Médine et La Mecque, alors possessions égyptiennes. Un effet notable de cette dynamique rétrograde est l’échec définitif, en 1854-1855, d’un projet de réforme scolaire qu’Adham avait conçu avec Rifâ’a pour fonder en lieu et place de « l’école des princes » (makâtib amîriyya) une « école de la nation ou du peuple » (makâtiv ahliyya). La mise à l'écart conjointe de Lambert et le retour en France de celui-ci à la même époque s'inscrivent dans cette séquence.

En 1857, le contexte créé par l'avènement de Saïd pacha lui est à nouveau favorable. Nommé gouverneur du Caire, réintégré dans sa double fonction de directeur des Travaux publics et de l'Armement, il est élevé à la dignité de vizir (mirmirân). Un signe de sa persistance dans ses sympathies saint-simoniennes est le fait qu'il confie alors à Lambert bey l’éducation de son fils Ismaÿl, élève à Saint-Cyr, et le charge de le présenter à Enfantin.

Ph. R.

 

 

SOURCES

Philippe Régnier, Les Saint-Simoniens en Égypte (1833-1851), Le Caire, éd. BUE-Amin F. Abdelnour, 1989, passim, en part. p. 100-101. –  Ghislaine Alleaume, « Ibrâhîm pacha Ethem (ou Adham [Edhem] », ibid., p. 119-120.  Sous-notice « Adham pasha, first commander of the Artillery Corps », in notice « Artillery Corps (Egypt) » de Wikipédia en anglais.