BONAMY

Prénom(s)

Eugène
Charles

Médecin saint-simonien à Paris puis à Nantes dans les années 1830. Enfantiniste, proche d’Ange Guépin. Revient au catholicisme par la suite.  

Né le 12 janvier 1808 à Nantes, mort le 27 septembre 1861 à Beaufort (Maine-et-Loire).

Frère de l’ingénieur saint-simonien Auguste Bonamy. Marié le 18 août 1843 à Victoire Bourgeois de l’Épinay, dont il a quatre enfants.

 

Eugène Bonamy est issu d’une grande famille nantaise : le grand-père, François Bonamy, était médecin, recteur de l’Université de Nantes et botaniste de renom ; le père, capitaine au long cours, meurt dans un naufrage lorsqu’Eugène a quelques mois.

Entré en 1825 à l’École secondaire de médecine de Nantes, Eugène poursuit ses études à Paris à partir de 1829. Ange Guépin avait, à cette date, terminé ses études de médecine et s’était déjà installé à Nantes. Il n’arrive pas en terre inconnue : son frère Auguste, polytechnicien et saint-simonien l’y attend et le convertit, au grand dam de leur famille. Eugène devient rapidement missionnaire, membre du troisième degré, mais il ne fait pas d’emblée partie du groupe chargé de la propagande ouvrière. Il conserve son autonomie économique et ne réside pas rue Monsigny. À partir du mois de juillet 1831, et jusqu’en décembre, il exerce la médecine pour le compte des saint-simoniens dans le troisième et surtout le quatrième arrondissement de Paris[1]. La directrice de son secteur est Eugénie Niboyet, et le directeur Botiau. Il soutient sa thèse pendant cette période.

L’action du docteur Bonamy est efficace et appréciée : on retrouve de nombreuses traces de remerciements pour ses bons soins[2]. Il a la réputation d’être un médecin saint-simonien disposant de solides connaissances théoriques. Dans sa thèse, il montre qu’il existe « des rapports intimes entre l’état du globe et la santé des hommes[3] ». C’est un thème qu’il approfondit, et cette notion d’interaction entre la nature et l’homme, entre ses conditions d’existence et les maladies, ne cessera de le préoccuper. Son expérience de terrain lui permet de recueillir des données précises et chiffrées, conformément à la méthode scientifique préconisée par Saint-Simon. Il met en évidence des faits et montre leurs conséquences sanitaires.

Au moment du schisme, Eugène se range dans le camp d’Enfantin et tente de convaincre son frère Auguste d’en faire autant. Eugène Bonamy ne revient à Nantes qu’en décembre 1831, il ne participe donc pas à la première mission saint-simonienne à Nantes. À son retour il est accueilli chaleureusement par le petit groupe des saint-simoniens et tout particulièrement par Guépin. Il participe d’emblée aux réunions saint-simoniennes qui se tiennent le jeudi chez Athenas. Jules Toché, qui le tient en haute estime, le considère comme un « véritable fidèle[4] » et comme son initiateur à la religion saint-simonienne[5]. Si Eugène Bonamy participe aux activités saint-simoniennes de Nantes, son nom n’apparait néanmoins jamais au « Cercle National », pseudo-cabinet de lecture qui réunissait saint-simoniens et républicains sous la houlette de Guépin. Eugène Bonamy est très présent en revanche pour organiser l’accueil des missions saint-simoniennes qui vont se succéder à Nantes à partir du mois de mars 1833.

Au mois d’avril 1833 il participe à la Réunion de l’Ouest organisé par Guépin : il prend part aux travaux du comité de la science, est élu au Comité central. Lorsque le 13 avril la mission saint-simonienne conduite par Lamaillauderie est menacée et molestée, Bonamy publie un long article dans Le Breton du 21 mai, où il dénonce avec vigueur l’agression : « Attaquer des hommes qui prêchent la paix à tous, les attaquer surtout quand ils ont dit qu’ils n’emploieraient pas la force pour se défendre, c’est lâche, et nous le disons hautement, parce que nous devons la vérité au peuple. »

Au mois d’octobre 1832, Guépin publie ses Essais historiques sur les progrès de la ville de Nantes[6], une histoire de Nantes des « premiers Celtes » à 1830. Il place en exergue une phrase de Saint-Simon. Très vite, Guépin décide de donner une suite à cet ouvrage et Bonamy lui propose de l’aider à réunir la documentation nécessaire. C’est ainsi que naît leur collaboration pour la rédaction de Nantes au XIXe siècle[7]. Bonamy ne se charge pas seulement de la collecte des statistiques médicales, mais participe pleinement à la rédaction de l’ouvrage. C’est lui l’auteur des pages les plus célèbres, celles du chapitre intitulé Hygiène physique et morale. L’ouvrage est conçu pendant la période du militantisme saint-simonien des deux auteurs : c’est le plus souvent pendant les réunions du mercredi chez Guépin qu’ils échangent des chapitres. La rédaction « à quatre mains » de cet ouvrage constitue l’apothéose de leur collaboration.

Eugène Bonamy renoue ensuite avec le catholicisme, devient un notable et s’engage dans une brillante carrière médicale nantaise. Il conserve une attention particulière aux plus démunis, et garde un intérêt pour la statistique médicale et l’analyse des corrélations entre les conditions de vie ou de travail et « les maladies éprouvées par les ouvriers ». Médecin à la Société de Secours mutuel de la Société industrielle de Nantes, médecin suppléant à l’Hôtel Dieu, médecin des épidémies, professeur à l’École préparatoire de médecine, il finit couvert d’honneurs.

Michel AUSSEL

 

 

SOURCES

Notice « Eugène Charles Bonamy » dans Wikipédia, consultée le 5 septembre 2020 au lien https://fr.wikipedia.org/wiki/Eugène_Charles_Bonamy. – Michel Aussel, Nantes sous la Monarchie de Juillet, Ouest Éditions, Nantes 2002, p. 78-80 et passim ; et, du même, Le docteur Ange Guépin. Nantes, du Saint-Simonisme à la République, Rennes, PUR, 2016, p. 58-59 et passim.

 

[1] Bibliothèque de l'Arsenal, fonds Enfantin, ms 7815, fos 71,74,77, 82 et 87 bis.

[2] Ibid.

[3] Eugène Bonamy, Considération sur la dothinentérie, thèse de médecine n° 263, Paris, 29 août 1831.

[4] Lettre de Toché à Michel Chevalier du 22 avril 1832, Bibliothèque de l'Arsenal, fonds Enfantin, ms 7607, fo 103.

[5] Lettre de Toché à Michel Chevalier du 17 décembre 1831, BnF, Manuscrits, Nouvelles acquisitions françaises, ms 2461, fos 258 et 259, .

[6] Ange Guépin, Essais historiques sur les progrès de la ville de Nantes, Nantes, P. Sebire, impr. de Mellinet, 1832.

[7] Ange Guépin et Eugène Bonamy, Nantes au XIXe siècle : statistique topographique industrielle et morale faisant suite à l’histoire des progrès de Nantes, Nantes, P. Sebire, 1835